Le Togo : démocratie boiteuse, élections sournoises… jusqu’à quand ?

Et si j’avais pu voter ?

PrésidentiellesAu Togo, les élections ont toujours été ce qu’elles sont, de Gnassingbé à un Gnassingbé en passant par le premier Gnassingbé. Enfin, depuis ma naissance c’est le seul nom de famille que j’ai connu au pouvoir, je l’ai récité au cours primaire et au collège, c’était le Père de la Nation, disait-on affectueusement du feu Etienne Eyadéma Gnassingbé. Aujourd’hui il s’agit de son fils Faure E. Gnassingbé qui brigue un 3ème mandat. En effet, après une élection présidentielle à un tour au Togo le 25 avril 2015, les électeurs semblent ne pas encore comprendre exactement ce qui s’est passé jusque-là.

cropped-edem-2.jpgEdem GBETOGLO est togolais, vivant au Sénégal (d’ailleurs mon blog le dit si bien) mais il n’oublie pas pour autant son pays le Togo, celui dans lequel il est né et a grandi, celui qui lui a fait donner envie d’étudier le droit et la science politique dans un pays où le climat estudiantin était fort nébuleux. Lorsqu’on évolue dans un pays où le gendarme ou le policier n’est pas là pour protéger le citoyen mais le frapper ou lui soutirer des deniers à la moindre occasion offerte, dans un pays où un seul dirigeant (ou dirais-je une famille) est adulé et adoré bien avant sa naissance et continue de l’être jusqu’à sa majorité, on commence à se poser des questions, on commence à développer ce désir de faire quelque chose tout en ressentant résonner l’impuissance de ses actes au loin. Je pense que chaque togolais s’est déjà retrouvé dans cette situation de réflexion, et cela s’accentue beaucoup plus à l’approche des élections. Oui, à chaque élection je me disais le plus souvent, « peut-être aurions-nous une nouvelle tête dirigeante comme c’est le cas dans les autres pays ». Ça faisait plaisir de se l’entendre dire, de nourrir cet espoir inavoué et enjolivé par un sourire aussi incertain que le seraient les résultats : puis…c’était toujours pareil. Edem prépare son Master 2 en Sciences Politiques et Relations Internationales à Dakar au Sénégal, et se diversifie en évoluant dans la promotion de l’entrepreneuriat par la coordination des activités de l’association Jeunes Entrepreneurs Africains.

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L’élection du 25 avril 2015 au Togo a eu une participation de près de 55% de togolais contre 64,68% en 2010. Les causes sont diverses et peut-être compréhensives. Je ne peux que féliciter ceux qui ont pu accomplir leur devoir civique. Pendant que certains se sont déplacés pour pouvoir voter mais n’ont pas trouvé leur nom sur les listes, d’autres n’ont même pas pris la peine de se déplacer de peur de perdre encore du temps à voter. Comme le dit souvent chaque togolais à l’approche des élections présidentielles, « nous connaissons déjà les résultats, à quoi bon voter ? ». Dans mon billet précédent une théorie du changement discutable:entre désintérêt politique et frustration politique , j’ai justement abordé le thème de la frustration politique grandissante de la jeunesse.

(crédit photo : Seyram Adiakpo)

Comme c’est souvent le cas lors des élections en Afrique, les représentants internationaux y étaient, à l’instar de l’Union Européenne, de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) représentée par le Général Siaka Sangaré, du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), de l’Union Africaine et de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest ; et comme c’est souvent le cas le scrutin s’est toujours très bien déroulé (rarement nous les entendons dire qu’il y a eu des péripéties), cela est un autre débat.

Avant le jour de votes, il se posait une question sur les réseaux sociaux : bilan du Président sortant et projet de société durant les campagnes présidentielles. Ce ne sera point la peine de passer en revue les projets de société des uns et des autres vu qu’ils se penchaient pratiquement sur les mêmes points. Le seul souci de mon point de vue se situait au niveau de la manière avec laquelle ils allaient s’y prendre pour améliorer la vie des citoyens togolais à travers leurs propositions. Concernant le bilan du Président Faure Gnassingbé, il se limitait aux routes et pont selon ses sympathisants (enfin, échangeur selon certains), au 3ème quai de Bolloré, à Provonat parlant de l’emploi aux jeunes et à d’autres choses dont je n’ai plus souvenance puisque l’impact n’était pas aussi flagrant pour qu’elles marquent les citoyens togolais. Nous l’avons tous dit et dénoncé sur les réseaux sociaux avec le hashtag #TGPR15 : « le Président ne nous fait pas de faveur en faisant le travail pour lequel il est élu, cela va de soi, alors pas la peine de nous rappeler qu’il a fait ceci ou cela ».

IMG-20150418-WA0014Si seulement il avait pu se déplacer pour défendre son bilan lors des débats publics au lieu d’y envoyer son Ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et des collectivités locales Gilbert Bawara, la population aurait peut-être mieux cerné et ledit bilan et son projet à venir pour le Togo…peine perdue. Pour ceux qui continuent de penser que les autres ferment les yeux sur les efforts du Président sortant, je leur dirai que si la population n’est au courant de rien, c’est probablement dû à l’incompétence de la cellule communication de la Présidence. A quoi doit-on s’attendre  lorsqu’on communique rarement avec son peuple ? Je passe.

(Crédit photo : senadjondo.mondoblog)

Etant à l’extérieur plus précisément au Sénégal, je n’ai pu me référer qu’aux réseaux sociaux pour suivre le déroulement du processus électoral et surtout l’attente des résultats provisoires. Il a fallu attendre trois jours trois nuits pour avoir les résultats provisoires des présidentielles au Togo, on aurait dit que la résurrection de Jésus – Christ s’y renouvelait …

https://twitter.com/Peuples_Obs/status/592777063091851264

Lors de ces élections présidentielles au Togo, les réseaux sociaux étaient devenus un véritable outil de communication et de veille stratégique pour tous les internautes, surtout la plateforme Twitter qui a vu la participation des jeunes togolais, des journalistes, des professionnels et passionnés de la politique en général. Malgré la connexion 2,5G déguisée en 3 ou 4G (je ne sais plus comment l’appeler), je disais que malgré cette faible connexion internet dans mon pays, les citoyens togolais ont été présents, très présents jusqu’au moment crucial… Coup de foudre dans un ciel noir : les résultats se firent annoncer dans une atmosphère morose un soir du 28 avril par le Président de la CENI Taffa Tabiou, résultats selon lesquels Faure Gnassingbé Président sortant s’en sortait avec 58,75% suivi de l’Opposant Jean – Pierre Fabre avec 34,95%. L’indignation gagnait les esprits des uns sur les réseaux, la joie et les écrits de joie gagnaient les esprits des autres, sauf que la deuxième catégorie de personnes ne manifestait pas réellement cette joie…qui est fou ?

Ce qui m’indigna particulièrement, c’est ce hold-up électoral que le Président Taffa Tabiou nous a offert en direct de la TVT, chaîne nationale togolaise. J’y pense, j’y repense, mais je ne comprends toujours pas comment un responsable d’une CENI a pu se comporter ainsi devant des milliers de téléspectateurs, en voulant donner des résultats d’une élection déjà douteuse, résultats dont les autres membres de ladite institution n’ont même pas connaissance. Je me suis tout simplement dit, « le togolais mériterait finalement ses institutions, nous sommes tombés si bas aux yeux du monde et c’est tellement triste».

Comme si cela ne suffisait pas, le sieur Taffa Tabiou nous a tous démontré que non seulement les chiffres qu’il s’évertuait à donner dans un sérieux ambigu souffraient d’irrégularités flagrantes, mais aussi qu’il n’était pas si bon mathématicien qu’on l’espérait (en tant que Président d’une CENI, cela me paraît paradoxal. 1+1, cela fait quand même 2).

Quoiqu’il en soit, la Cour Constitutionnelle a confirmé les résultats de la CENI, ce qui n’a guère surpris qui que ce soit.

https://twitter.com/teteenyon/status/592689922164797442

 

Du renouvellement de la classe politique togolaise

Au vu des événements récents au Togo, la problématique d’un changement de leaders politiques se pose, mieux, d’un changement de projets et de discours politiques. Il n’est point un secret pour personne que le peuple togolais ne fait plus réellement confiance au chef de file de l’Opposition Jean – Pierre Fabre.

https://twitter.com/Hotthierry1/status/594498629597036544

Entre un Président sortant qui ne sort jamais, qui s’enkyste au pouvoir, et un opposant qui réclame farouchement un titre de chef de file qu’il ne veut point partager avec qui que ce soit, beaucoup préfèrent (même s’ils ne veulent pas l’affirmer) le cleptomane connu au nouveau. La question qu’il faut éluder face à la scène politique togolaise est de savoir s’il n’est pas temps qu’une nouvelle manière de faire la politique s’instaure via une jeunesse engagée, s’il ne serait pas temps qu’il y ait de nouveaux visages et de nouvelles têtes politiques, s’il ne serait pas temps que de vraies idées politiques illustrent de véritables débats politiques pour que la sphère politique ne soit plus gangrenée par un clientélisme pernicieux. Pour la réalisation d’un tel désir de développement politique, il va falloir que la jeunesse elle-même rompe avec les méthodes peu orthodoxes et non éthiques de nos actuels partis et dirigeants politiques, il va falloir que les jeunes se prennent en mains avec sacrifice et abnégation, il va falloir que les jeunes togolais comprennent que la passivité ne va rien résoudre au Togo face à un système plutôt bien rôdé. Certes, d’aucuns diront que Edem est de la diaspora, pourquoi ne rentre-t-il pas lui-même orchestrer cette lutte qu’il prône tant sur sa toile ? Je comprends parfaitement cette inquiétude que beaucoup soulèvent, alors procédons par hypothèse. Faut-il que la diaspora rentre pour lutter ou qu’elle aide à la lutte dans ses possibilités ?

Supposons que des jeunes togolais avisés et cernant les règles de la science politique et des finances publiques s’organisent, chacun avec un profil et une compétence déterminée, et que ces jeunes aient besoin ensuite que la diaspora les aide financièrement, pensez-vous que cela ne pourrait pas se faire ? Je pense que c’est à nous de prendre notre destin en main car personne d’autre ne viendra le faire à notre place, encore moins cette communauté internationale qu’accusent tant certains intellectuels togolais. Quant au fait de faire confiance aux institutions déjà en place pour aider à redorer le blason de la scène politique, permettez-moi d’en douter fortement comme mon confrère Cyrille Nuga.

Mon billet, je l’espère permettra à plus d’eux de comprendre que je ne saurai dire si un soulèvement populaire sanglant pourra aider à sortir le Togo de ce cercle vicieux depuis 48 ans, mais comprenez que ma proposition est relative à une organisation autour d’un système de fonctionnement nouveau et lucide dans le respect des règles de l’art et d’éthique, en espérant que la jeunesse togolaise ne reproduise pas le même schéma que ses aînés car ce serait fort dommage. Il nous revient à nous-mêmes de transcender cette passivité naturelle dans laquelle nous baignons depuis des années. Je ne parle pas de marches intempestives au bord de la plage de Lomé mais de propositions concrètes et constructives avec un brin de dynamisme et de pragmatisme actés. Nous pourrons dire avec désinvolture, “on se retrouve en 2020”, mais si en 2020 le même cinéma électoral se produit, dirions-nous, “on se retrouve en 2025” ? Comme le dirait l’autre, “l’esclave qui n’est pas capable d’assumer sa révolte… … ne mérite pas que l’on s’apitoie sur son sort”.

Cordialement

 

 

Une théorie du changement discutable:entre désintérêt politique et frustration politique

 

Présidentielles
Faut-il parler d’une jeunesse qui se cherche ou qui manifeste un désintérêt à l’égard de la politique, ou faut-il parler à la jeunesse pour éveiller en elle cette conscience politique qu’elle-même reproche à ses aînés ? Comment doit-on poser la question ? Comment doit-on se poser la question ?

Je suis jeune, je suis togolais, je me pose des questions sur l’avenir politique de mon pays, bon, pas tant que cela. Cette légère indifférence fait-elle de moi une personne qui ne fait rien pour son pays, qui ne ferait rien pour son pays, ou qui fait des propositions « silencieuses » voire « sourdes » et « étouffées » ? Je suis à l’image de tous ces jeunes togolais qui voudraient bien militer pour un parti politique, qui aimeraient dire d’un homme politique actuel de leur pays, « cet homme est mon modèle », qui voudraient incarner dans 10 ou 20 ans l’intégrité de tel homme politique togolais ou de telle femme politique togolaise, mais qui n’y arrivent pas. Pourquoi le jeune togolais préfère ne pas s’engager, ne pas prendre partie dans un parti, manifester ce désintérêt sans coup férir ? La raison est toute simple, il ne se retrouve point dans cette jungle politique dénuée d’éthique, de bon sens, de science politique et que sais-je encore. Certes, la jeunesse peut y remédier en se jetant à l’eau ? Mais dans quelle eau concrètement doit-elle se jeter ? Celle dans laquelle baignent les requins en espérant les convaincre de la suivre, ou celle dans laquelle baignent des poissons de différentes sortes d’où le manque de cohésion et de compréhension dû à l’absence du même langage ? C’est d’ailleurs ce qui pousse nombre de jeunes à naviguer avec le parti qui offre plus de possibilités, les idées novatrices ne sont plus vraiment à considérer. Il y ait de ces jeunes qui, en les écoutant, on se rend compte que leur choix est fait : « si j’adhère au système, je n’aurais guère le choix que d’adhérer à leurs principes même si je voudrais bien changer les choses », disent certains d’entre eux.  Eh oui, Bayart n’a pas eu tort en parlant de « la politique du ventre » qui gangrène la gestion de la politique africaine.

Alors cher Aphtal, je comprends ce que tu veux dénoncer dans ton billet, je comprends que cette jeunesse semble se voiler la face tout en restant derrière un écran, mais parler de manque d’engagement politique des jeunes oblige d’une manière ou d’une autre à faire la différence entre désintérêt politique et frustration politique. Vous voulez qu’ils se bougent, qu’ils soient plus entreprenants, ne leur en voulez pas s’ils restent prudents et sont sur la défensive, ne leur en voulez pas s’ils vous disent qu’en intégrant le système cela ne leur profiterait pas (oui, il y en a qui ne pensent pas seulement à la manne financière).

Ce que veut toute jeunesse de la politique est de se retrouver dans l’idéologie des partis politiques. Il ne s’agit pas de militer pour un parti juste parce qu’il a plus de moyens ou parce qu’il peut permettre d’être Ministre d’Etat dans un futur proche, ou parce qu’il peut me permettre de décrocher un contrat pour ma nouvelle entreprise ou mon neveu, ou parce que mes parents me l’ont recommandé ou m’y ont initié ; mais il s’agit de militer pour une cause, pour un parti qui véhicule des idées nobles et propose de concrètes solutions au chômage, à l’assainissement des finances publiques et etc… Déjà que les jeunes se truandent entre eux dans un petit groupe pour un contrat de travail, juste parce qu’un l’eux veut se faire une place au sein du conclave politique par la suite ; déjà qu’il y en a qui veulent s’éterniser à la tête de petites associations et de petits clubs, c’est à se demander si l’engagement politique y changera quelque chose et si le manque de participation politique y est pour quelque chose. S’il s’agit juste de militer pour militer, s’il s’agit juste de compenser le vide et de faire comme les autres pour qu’on dise qu’au moins j’ai choisi un parti tout en participant à l’éclosion d’une partie de la scène politique, s’il s’agit de m’engager dans un parti et ne pas pouvoir dire ce que je pense et penser ce que je dis, s’il ne s’agit que de cela frère, il y en a qui le font déjà si bien et je les en félicite tellement. Pour ma part, je continuerai de dire que le problème réside à la base et qu’il faut commencer par là : l’aspect éducationnel. En effet, l’éducation dans l’espace francophone est selon moi un aspect qui conditionne la vision politique de ces jeunes. Nul besoin de rappeler que les idées innovantes semblent elles-mêmes amorties par les préceptes éducationnels que la jeunesse reçoit et développe à son tour. Peut-être que les notions de la science politique et de la manière de faire la politique doit être véhiculées assez tôt dans l’enseignement secondaire et redéfinir la notion d’intérêt général, de participation et d’engagement politique. Plus tôt les jeunes cerneront les notions, mieux ils analyseront les politiques menées et meilleur sera leur choix d’un leader politique, et peut-être mieux seront dirigés les partis politiques.

Entre désintérêt politique et frustration politique, le match est loin d’être fini.

Dénonçons, critiquons mais proposons des pistes de solutions plausibles pendant que nous le pouvons.

J’en ai fini.